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>La Lettre>Lettre N° 33-63
 

Editorial

Sommaire

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EDITORIAL 56

Tout d’abord, je voudrais remercier notre Après vingt ans d’expéditions dans les ami Camille Aupic pour avoir réussi à TAAF, l’émergence de ce besoin de organiser les assises de notre 28e assem-retrouvailles n’a pas été un phénomène blée générale à Bourges en un lieu sym-isolé. Il s’est manifesté aussi, presque pathique sur les rives de l’Auron. simultanément, dans la région de Nîmes Cette réunion comptera dans les annales et Marseille autour de Jean Runtz et de de notre association parce que, au cours Louis Quéré. C’est dans cet esprit que les de l’assemblée générale extraordinaire textes fondateurs de l’AMAPOF, préparés inscrite au programme de notre ren-par Pierre Décréau et Bernard Duboys de contre, vous avez bien voulu adopter les Lavigerie et leurs complices, avaient été modifications de nos statuts proposées votés lors de l’assemblée constitutive de par notre conseil d’administration. 1976. Historiquement l’AMAPOF est née d’un Aujourd’hui ce besoin est toujours aussi besoin, manifesté par les membres des fortement ressenti. Le plaisir des retrou­expéditions dans les Terres australes et vailles est quasiment palpable lors des en Terre Adélie, de se retrouver pour pro-rencontres des membres d’une même longer des liens d’amitié et de solidarité mission, qu’elle soit ancienne ou récente. noués sur le terrain. On peut s’interroger sur les raisons du En 2005, le Territoire fêtera le cinquan­succès du premier rendez-vous donné, tième anniversaire de sa création. Avec aux membres de sa mission, au Café de le temps, les membres des missions aus-Savoie à Grenoble, par Gilbert Bon-Mar-trales et antarctiques ont pris le recul dion en 1971. Peut-être étaient-ils tous nécessaire pour emboîter l’histoire de plus ou moins conscients que ces liens leur avaient permis de surmonter les dif­ficultés d’un environnement climatique hostile et de supporter, à la fois, l’isole-ment par rapport à la vie sociale et affec­tive dont ils étaient privés et la promis­cuité par rapport au petit groupe dans lequel ils étaient confinés. Isabelle Autissier, que je remercie au pas­sage pour la préface qu’elle vient d’écrire au premier tome de " Mémoire à plu­sieurs voix, 50 ans de souvenirs polaires ", en cours de parution, fait l’hypothèse d’un environnement propice à la découverte de la " vérité ". Vérité qui se manifeste aussi vraisemblable­ment dans les relations humaines, tant il est impossible, dans un environnement aussi décapant, de dissimuler longtemps ses défauts comme ses qualités et ses compétences réelles. Le doute n’est alors plus permis sur l’authenticité des rela­tions et la qualité des amitiés.

leurs séjours individuels dans une his­toire qui est en train de s’écrire pour rendre compte de plus d’un demi-siècle de présence française polaire et sub­polaire ininterrompue. Un demi-siècle d’une histoire vécue par ceux qui s’y sont succédé pour construire non seule­ment ce Territoire, mais aussi autour de lui, des activités scientifiques, poli­tiques, administratives, diplomatiques et culturelles de plus en plus nom­breuses dans des domaines aussi divers que l’histoire, la philatélie, les arts, les techniques, le tourisme... Cette histoire s’intègre elle-même dans un passé de près de 250 ans, ce qui élargit encore plus le champ de son intérêt. Toute une communauté s’intéresse à l’histoire des régions polaires. Ses membres consultent et recherchent des témoignages à travers des documents souvent non référencés et encore très dis­persés. Ils publient des articles, notam­ment dans la LETTRE. Ils écrivent des ouvrages parfois édités par l’AMAPOF. Ils donnent des conférences, … Ils s’in-quiètent aussi pour la conservation de leurs archives et la gestion d’un patri­moine commun sur lequel ils ont des droits naturels et, dans le respect des dispositions légales, ils ont une opinion à faire valoir.

Dans le domaine de l’art, l’accumula-tion d’œuvres d’écrivains, de photo­graphes, de peintres, de sculpteurs, de graveurs, amateurs ou professionnels patentés, commence à devenir significa­tive. On peut rêver de voir un jour ras­semblé dans le cadre d’une exposition un échantillonnage de leur production. Depuis l’Année géophysique internatio­nale, à l’origine de la vocation scienti­fique du Territoire, les programmes de recherche se sont considérablement éten­dus. Ils débordent largement les limites du territoire dans lequel ils étaient can­tonnés. Ils couvrent désormais l’environ-nement maritime polaire et sub-polaire. Cette évolution a entraîné de profonds changements de structures, en particu­lier l’effacement des EPF de la scène opérationnelle et la création de l’IPEV. Elle nécessite une nouvelle répartition équitable des tâches pour le développe­ment de la recherche et pour assurer sa pérennité.

De nombreux chercheurs, techniciens et marins explorent les océans Arctique et Antarctique, du fond à la surface, pour en extraire les indices qui témoignent de l’évolution de notre planète. Dans les laboratoires métropolitains, européens, et même étrangers tellement la recherche est devenue affaire internatio­nale, de nombreuses équipes utilisent des résultats en provenance de l’en-semble des régions polaires et préparent de nouvelles expériences. Elles utilisent avec brio les nouvelles technologies développées par les grandes agences nationales (CNRS, CEA, CNES, IFRE­MER, Centres universitaires de recherche, MNHN) ou européennes comme l’ESA et le CERN, qui se trouvent de plus en plus impliquées. Le résultat est parfois littéralement stupéfiant.

A ce propos, permettez-moi une digres­sion de quelques lignes pour vous faire partager mon enthousiasme lors de la récente journée scientifique du Comité national français des recherches arc­tiques et antarctiques (CNFRA) organi­sée par son président Yvon Le Maho. Des équipes de jeunes chercheurs, pas­sionnés, intelligents, astucieux, et un brin humoristes, nous ont montré com­ment, grâce à leur maîtrise des nou­velles technologies, des albatros et des éléphants de mer peuvent devenir des océanographes, des éthologues, des phy­siologistes performants. Equipés par leurs soins de quelques capteurs interro­gés et localisés par satellites, ingérés ou fixés sur leurs crânes, ces animaux transmettent une foule de renseigne­ments inédits enregistrés tout au cours de leurs plongées profondes et répétées, effectuées pendant leurs pérégrinations ou leurs vols circumterrestres.

La communauté administrative a subi aussi de profondes modifications. Après la dissolution du corps des administra­teurs de la France d’outre-mer qui rem­plissaient naturellement les fonctions d'" Adsup ", des amiraux, dont la ges­tion et le commandement ont été unani­mement appréciés, ont occupé le poste. La période suivante a vu défiler des administrateurs issus d’horizons les plus divers dont les compétences et les tempéraments n’étaient pas toujours précisément ceux que l’on pouvait attendre dans un territoire aussi aty­pique. Le passage de madame Brigitte Girardin actuellement ministre de l’Outre-mer a été marqué par le réta­blissement de relations constructives et confiantes entre les TAAF et l’AMAPOF d’une part et par la délocalisation du siège des TAAF à Saint-Pierre de la Réunion d’autre part. Deux événements qui vous paraîtront sûrement dispropor­tionnés en importance, si vous ne les considérez pas du point de vue de notre association. La nomination d’adminis-trateurs issus des corps préfectoraux pourrait être, à mon sens, une des mieux adaptées à condition toutefois qu’ils possèdent les qualités requises et la connaissance préalable du terrain tant il est vrai que dans ce Territoire pas comme les autres, ce sont les qualités humaines intrinsèques à chaque indi­vidu qui comptent. Quoi qu'il en soit, la pérennité de ce Territoire si particulier est hautement souhaitable. Doté de sta­tuts originaux, il est le garant de la sta­bilité des activités qui y sont exercées, en particulier des activités scientifiques, en les mettant partiellement à l’abri des modes et des tendances qui traversent périodiquement les objectifs des grands organismes de recherche. Des parlementaires se préoccupent aussi de l’avenir des Terres australes et antarctiques françaises. Un groupe d’étude sur l’Arctique, l’Antarctique et les terres australes a été créé au Sénat par Lucien Lanier pour suivre les événe­ments susceptibles de se dérouler dans les régions polaires et sub-polaires dont l’intérêt géopolitique et stratégique est incontestable. Les diplomates aussi, en participant aux travaux du traité sur l’Antarctique qui garantit la protection de l’environ-nement du continent antarctique véri­table patrimoine de l’humanité, appor­tent avec des experts une contribution importante à la gestion de cette région de monde.

L’activité halieutique s’est aussi organi­sée, surveillée par des contrôleurs de pêches sous la direction du MNHN. Elle est pratiquée sur la zone exclusive d’ex-ploitation (ZEE) autour des TAAF, une des plus étendues au monde. Elle est protégée par des navires de la Marine nationale qui pourchassent de plus en plus efficacement les bateaux pirates qui pillent jusqu’à épuisement les res­sources de la zone depuis la découverte des bancs de légines qui peuplent ses fonds.

Je me permets de citer encore les radio­amateurs qui ont été longtemps des auxiliaires précieux pour l’exercice de la médecine des sites isolés avant qu’elle ne s’appelle télémédecine, et qui conti­nuent à manifester le plus vif intérêt, les philatélistes toujours fidèles et passion­nés depuis l’émission des premiers timbres de Madagascar surchargés "Terres australes et antarctiques fran­çaises " ou bien " Terre Adélie, Dumont d’Urville 1840 " émis par le Territoire, enfin les touristes, nouveaux venus dans le paysage taafien et déjà désireux de garder le contact, comme le montrent les relations qu’ils ont nouées avec les représentants de l’AMAPOF qu’ils ont rencontrés pendant leurs voyages.
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Cette énumération, qui n’est pas exhaustive, montre combien, depuis la création de l’AMAPOF, l’environnement des régions polaires et subpolaires a évo­lué. Les domaines scientifique et écono­mique se sont très largement étendus. De nouveaux domaines d’intérêt se sont manifestés, en particulier dans les champs culturel, diplomatique et poli­tique. De plus en plus de personnes s’in-téressent aux pôles et à leurs régions, mais ne pouvaient pas adhérer à l’AMA-POF en raison des statuts restrictifs de l’association qui exigeait un séjour obli­gatoire sur le terrain pour valider leurs adhésions.

C’est pour bénéficier des compétences de toutes ces communautés, pour recevoir plus d’informations à diffuser et élargir ainsi son audience que l’AMAPOF a voté à l’unanimité de ses membres présents ou représentés à l’assemblée générale extraordinaire de Bourges les modifica­tions nécessaires à leurs statuts pour les accueillir. Désignés comme membres associés, ils jouiront des mêmes droits et obligations que tous les autres membres : service gratuit de la LETTRE, participation aux manifestations organisées par l’associa-tion, même montant de cotisations. Ils figureront, sauf refus de leur part, dans l’annuaire, dans l’ordre alphabétique avec les membres actifs. Ils pourront même participer à la direction de l’AMAPOF en siégeant au conseil d’ad-ministration au même titre que les membres actifs, dans la limite cepen­dant du tiers du nombre de sièges pour­vus.



Pour terminer, une conséquence heu­reuse de la modification de nos statuts, qui mentionnent clairement leur carac­tère culturel et leur objectif de solidarité, est de pouvoir bénéficier d’une réduction de l’impôt sur le revenu égale à 60 % du montant de notre cotisation. Elle sera applicable dès 2005 sur le montant de l’imposition des revenus perçus en 2004.

Pour conclure cet éditorial, trop long comme d’habitude, je ne voudrais pas manquer de vous présenter mes vœux les plus sincères. Dans les temps troublés que nous tra­versons, marqués par la guerre, la crois­sance de la pauvreté, et les attentats, ils consistent bien sûr à retrouver bientôt la PAIX pour tous dans le monde. Pour chacun de vous mes vœux sont de trouver, ou retrouver la paix en soi, car, les psychologues vous le diront bien mieux que moi, c’est la clef indispen­sable pour accéder au bonheur de vivre. Enfin, avec un peu d’humour puisqu’il faut garder les pieds sur terre, je vous souhaite de croire au Père Noël pour qu’il vous apporte les plus beaux cadeaux du monde, ainsi qu’à tous nos camarades qui passeront les fêtes de fin d’année dans les bases ou sur les navires. Ce sera la preuve que vous avez su garder votre âme d’enfant.

René Bost Président de l'AMAPOF
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