Editorial
Sommaire
ÉDITORIAL DE LA 55ème LETTRE
Que dire en cette fin du mois d'avril qui soit de quelque importance, sinon la tristesse et la révolte devant la violence qui touche maintenant l'Europe. Après New York, Bagdad, Bali, etc. c'est maintenant Madrid…
Toutes autres considérations si intéressantes soient-elles paraissent alors dérisoires. La haine continue à déferler sur la planète et à tuer des hommes, des femmes et des enfants, otages qui n'ont directement rien à voir dans les conflits qui motivent leurs massacres. Peut-on se consoler en constatant que, grâce à la construction européenne, les hécatombes des guerres mondiales de la première moitié du siècle dernier semblent (pour l'instant) éradiquées?
Certains me diront, avec juste raison, que la LETTRE n'est pas une revue de philosophie, encore moins de sciences politiques fussent-elles morales. Cependant nous ne pouvons rester indifférents. Alors que des hommes se battent contre la maladie, luttent pour accroître la longévité, pour adapter la vie aux environnements les plus extrêmes, d'autres n'hésitent pas à exterminer aveuglément même des enfants qui sont porteurs de l'avenir du monde. Absurde non?
Les hommes ont encore bien du mal à sortir de l'animalité originelle, à se persuader qu'ils appartiennent à une espèce qu'ils ont nommée « Homme » , et dont ils ont à accomplir le destin caractérisé par l'émergence de l'intelligence consciente, qui implique la responsabilité vis-à-vis de l'avenir. A ce sujet, Théodore Monod disait et écrivait que l'Homme n'était pas encore humanisé. Un des obstacles à surmonter est, peut-être, pour les individus que nous sommes, de se situer, d'emboîter la durée de nos pauvres vies dans celle d'une évolution qui se mesure en milliards d'années. Comme le dit Georges Charpak dans un livre récent, je pense que nous avons besoin de nouveaux prophètes.
Cependant, quels que soient nos états d'âme, rien n'empêchera le printemps, annonciateur de la résurgence de la vie, de se manifester chaque année. Encore une fois l'hiver, qui chez nous avait endormi la vie, déménage pour s'installer sur l'Antarctide et les Terres Australes. C'est pour les hivernants le début de l'isolement et du confinement dans un climat de plus en plus hostile, particulièrement sur le continent blanc.
Le déroulement des hivernages a bien changé depuis les expéditions de la période héroïque des années 1945/50. Les rotations sont devenues plus nombreuses, les moyens de télécommunications plus faciles grâce aux satellites et à1nternet. A mon grand étonnement lors de la rotation « Cap 2000 » , à laquelle j'ai eu le bonheur de participer, j'ai découvert une cabine téléphonique publique qui fonctionnait à Port aux Français ! J'ai bien cru rêver.
Savoir qu'il existe un moyen de communication librement disponible est un facteur psychologique qui peut changer bien des choses les soirs de blues.
Les 25 mots hebdomadaires, en graphie, du message familial relativement peu confidentiel, les séjours de 12, 14, voire de 18 mois, ne sont plus que de lointains souvenirs. À tel point que l'AMAPOF s'interrogeait sur un lien possible entre cette évolution, dont elle se réjouit par ailleurs, et le désintéressement apparent des jeunes missionnaires pour les activités proposées par nos associations.
Bonne nouvelle, il semble bien qu'il n'en soit rien.
A son retour de pèlerinage dans les Terres Australes, rendu possible grâce au concours de l'administration du Territoire, Gilbert Bon Mardion, l'un des pères fondateurs de l'AMAPOF, a proposé d'inviter systématiquement les membres des missions à fêter le dixième anniversaire de leur séjour dans les districts.
Grâce au dévouement de Jacques Maillard, de Georges Polian, de Philippe Leclercq, qui ont retrouvé, non sans mal, les adresses des participants aux missions de 1994 à Kerguelen, Amsterdam, Crozet et Terre Adélie, envoyé une centaine de messages, sélectionné à Paris un bon restaurant sympa, négocié des menus de qualité pour des prix abordables, etc. ce fut un succès encourageant : plus de 60 réponses ont été reçues. 25 participants environ, certains venus avec femmes et même avec enfants, ont pu se libérer pour participer aux agapes. De nombreuses lettres et messages de regrets de ne pouvoir les rejoindre nous sont parvenus. Une dizaine de membres du bureau élargi de l'AMAPOF étaient là pour les accueillir.
La joie et le plaisir des retrouvailles faisaient plaisir à voir. Certains sont restés assez tard à se raconter leurs souvenirs, bien après que les « anciens » soient partis. Ils se sont promis de se revoir et de retrouver les adresses de ceux qui n'avaient pas pu être joints. Devant ce résultat encourageant, l'expérience sera renouvelée pour les missions parties en 1995.
Ces résultats prometteurs pour l'avenir de l'AMAPOF arrivent au moment où nous déplorons un nombre de disparitions de nos membres en sensible augmentation par rapport aux années précédentes. La rigueur caniculaire de l'été dernier n 'y est peut -être pas étrangère. Force est de constater aussi que les rangs des pionniers de l'aventure polaire et sub-polaire contemporaine, commencée il y a plus de cinquante ans, s'éclaircissent peu à peu. Nous leur devons ce Territoire qu'ils ont initié, et auquel, comme nous, ils étaient très attachés. Ils l'ont conquis contre un environnement hostile et doté de statuts nationaux et internationaux qui garantissent sa pérennité. Pour la première fois dans l'histoire de l'outre-mer français, une organisation administrative originale s'appliquait à un territoire dépourvu de population permanente, ce qui n'était pas prévu par la législation et les règlements alors en vigueur. Ils ont mis en valeur ses caractères géophysiques et environnementaux exceptionnels, et ont su gérer avec prudence des ressources économiques fragiles. Chaque fois que nous pouvons en recueillir les éléments, nous publions la notice biographique de ces disparus. Nous découvrons parfois à cette occasion, chez des personnalités que nous croyions pourtant bien connaître, des aspects extraordinaires de leurs vies dont, sans vouloir les cacher, ils ne nous parlaient que très rarement, par modestie certainement, ou simplement parce qu'ils les avaient vécus comme étant de leur simple devoir.
L'AMAPOF assure leurs familles de sa solidarité dans leur malheur et de sa fidélité à leur mémoire. Elle reste à leur disposition pour garder le contact avec elles, par l'intermédiaire de la LETTRE si elles désirent continuer à la recevoir. Pour garantir la conservation de leur mémoire contenue dans des documents et des archives personnelles relatives à cette tranche de leur vie, elle leur propose de les recueillir parce qu'ils sont autant de témoignages d'une histoire qui n'est pas encore écrite.
Afin d'assurer les meilleures conditions de conservation et le droit de consultation de ses propres archives et des documents qui pourraient lui être confiés, l'AMAPOF a signé le 22 janvier dernier, avec le Muséum national d'histoire naturelle, un contrat de don préparé par Jean-Claude Hureau et Gracie Delépine aux termes duquel ces documents seront versés au Fonds polaire de la bibliothèque centrale du Muséum. Ce Fonds polaire pourra être consulté par les chercheurs et les familles donatrices après que ces objets auront été inventoriés et traités pour assurer leur conservation. Les documents, archives et objets personnels ainsi recueillis par l'AMAPOF pour le compte du Fonds polaire de la bibliothèque du Muséum, feront l'objet d'un contrat entre les donateurs et notre association pour garantir leurs droits. Vous trouverez, dans ce numéro une copie de ce document préparé par Jean-Claude Hureau.
À ce propos, certains d'entre-vous nous ont informé avoir reçu, depuis la fin mars 2004, une circulaire datée du 15 septembre 2003 adressée par la mission du patrimoine des TAAF sous l'en-tête des archives de France et du Territoire. Cette circulaire a pour but de rappeler que les personnes qui détiendraient des documents administratifs originaux doivent les remettre directement à la mission du patrimoine qui les transmettra, sous sa responsabilité, aux Archives de France seules habilitées à les conserver. Elle offre également à nos membres la possibilité de confier leurs documents et archives privés à la mission du patrimoine qui les acheminera également vers cette institution, dans des conditions qui ne nous ont pas encore été précisées. Cependant, en raison de ce manque d'informations sur les garanties de traitement et de modes d'accès des donateurs, l'AMAPOF recommande que les documents scientifiques et historiques personnels soient déposés au Fonds polaire du Muséum, par son intermédiaire. De plus le regroupement des documents non administratifs relatifs à une région géographique (les pôles) et à une discipline (la science) est de nature à en faciliter la consultation et l'étude.
Comme vous le savez les fonctions d'adjoint au maire exercées par Pierre Décréau sont très accaparantes. C'est pour lui permettre de retrouver le temps de respirer que le bureau de l'association s'est réorganisé. Pierre conserve, bien entendu, ses fonctions à l'AMAPOF. Un grand merci à Geneviève Pillet qui centralise désormais toute la partie financière et comptable et à Michel Rouet qui, demeurant à proximité de Dry, est invité aux réunions du Bureau pour s'initier à la vie du secrétariat afin de soulager Bernard Duboys. Pour chacun d'entre vous rien ne sera changé.
Quand vous lirez ce numéro de la LETTRE, ce sera le temps des vacances que je vous souhaite les meilleures possibles : instructives et très classe. Pour cela, comme toutes les années, n'oubliez pas de commander vos livres et vêtements de loisirs aux boutiques de l'AMAPOF ou de l'AAEPF. Ils feront de vous des touristes heureux et enviés.
Le 9 mai 2004
René Bost, président de l'AMAPOF
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Sommaire de la Lettre 55 |
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